Kerala, au fil de l'eau
Partir à la découverte des backwaters, ce réseau de lagunes, de lacs et de canaux qui caractérise le Kerala, est la promesse d’un moment majestueux où l’eau, la terre et le ciel se confondent. Rêvez et dérivez au Kerala…
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C’est sous cette expression que se présente l’étroite frange de terre qui borde l’extrême pointe sud-ouest du sous-continent indien, répondant au nom officiel de Kerala.
Loin de l’image d’une Inde grouillante et pauvre, le « pays des cocotiers », en malayalam, est l’une des régions les plus riches l’une des plus alphabétisées de l'Inde. Une richesse qui vient en grande partie de l’élément liquide qui la borde et s’immisce jusque dans ses terres, garantissant de bonnes récoltes de riz et des pêches profuses.
De l’océan Indien aux rivières, canaux et lacs qui recouvrent une grande partie de la région, l’eau est partout, invitant les Kéralais à évoluer au fil des flots. Pour les voyageurs, naviguer sur ces backwaters est aussi une occasion unique de découvrir un paysage d’une rare beauté, avec de vastes étendues d’eau recouvertes par endroits de fleurs aquatiques, des rizières dans lesquelles barbotent buffles, oiseaux et échassiers.
Un lacis de cours d’eau
Tout le long de la côte de Malabar, s’enfonçant parfois assez loin dans les terres, un réseau de lagunes, de lacs, de rivières et de canaux constitue une formation géologique unique. Ces lagunes se formèrent sous l’action conjointe des vagues et des courants qui créèrent une barrière d’îlots à l’embouchure des fleuves, obligeant les habitants de la région à développer un mode de vie adapté à ce milieu particulier.
Avec cinq grands lacs et environ 1 500 km de voies d’eau alimentées par une quarantaine de rivières serpentant vers la côte depuis les ghâts occidentaux, la région, étendue sur plus de 200 km², est connue sous le nom de backwaters. Comme il est possible de relier de nombreux endroits sans mettre le pied à terre, cet important dédale aquatique servit de tout temps au transport des marchandises, notamment à l’époque où le transport ferroviaire ou routier était trop onéreux, voire impossible
Les embarcations utilisées, les kettuvalam, des houseboats typiques du Kerala, sont réalisées en planches de bois liées par des cordes en fibre de coco, recouvertes d’un toit de bambous et de feuilles de palme, et enduites d’huile de noix de cajou pour l’isolation. D’après leur nom (« maison-bateau »), on devine qu’en plus de véhiculer des marchandises, elles peuvent accueillir les hommes, et il est vrai qu’à l’époque où les backwaters étaient d’importants réseaux commerciaux, ils y passaient souvent plusieurs jours, y dormant et y cuisinant.
Aujourd’hui, si les canaux du Kerala servent toujours à transporter des biens marchands, ils représentent aussi l’attraction touristique majeure de la région. Sur de beaux kettuvalam équipés pour les accueillir (avec chambre(s), cuisine et petit salon), ce sont aujourd’hui surtout les touristes qui circulent sur le dédale de voies d’eau. Il faut reconnaître que l’invitation à se laisser lentement dériver, au fil des flots, sous l’arcade céleste et sous la voûte des cocotiers est plutôt tentante.
C’est une occasion unique de découvrir un paysage d’une rare beauté, avec de vastes étendues d’eau recouvertes par endroits de fleurs aquatiques (lys, jacinthes et lotus), des rizières dans lesquelles barbotent buffles, oiseaux et échassiers, et de modestes maisons bâties sur d’étroites bandes de terre, occupées par des hommes et des femmes dont le mode de vie s’adapte à ce milieu particulier.
De Quilon à Allepey en kettuvalam
Il existe de nombreuses options de trajets au sein du lacis de cours d’eau du Kerala. Mais la plupart des excursions en bateau, qu’elles soient courtes (quelques heures) ou plus longues (jusqu’à quelques jours), se font essentiellement dans la région du lac Vembanad, dont les flots s’étendent sur les districts d’Alleppey, de Kottayam et d’Ernakulam.
Les 80 km qui relient Quilon (ou Kollam), l’un des plus anciens ports de la côte kéralaise, à Allepey (ou Allaphuza), la « petite Venise de l’Est », comptent certainement parmi les circuits les plus fameux. Sur le trajet, on découvre quelques-uns des plus étonnants paysages qui soient, où l’eau, la terre et le ciel se mêlent et se confondent. Après avoir embarqué à bord d’un joli bateau ventru, il n’y a plus qu’à se laisser glisser paisiblement au fil de l’eau et à profiter du cinémascope, sur une rive ou sur l’autre, dans les rizières et dans les flots, en profitant de la bise légère créée par la lente progression de l’embarcation.
Que l’on choisisse l’un des fauteuils en osier ou le moelleux matelas et les coussins, le confort est parfait, et la distance avec les habitants suffisante pour qu’ils ne soient pas trop incommodés par le passage de ces bateaux touristiques, heureusement peu nombreux sur les canaux les plus étroits.
Au cours de la journée, on croisera aussi bien un pêcheur sur sa barque qu’un camion bariolé traversant un canal, paisiblement amarré sur plusieurs frêles canots, ou encore de lourdes barges transportant riz, coprah ou coir (fibre de coco) et également des bateaux-bus. La faune n’est pas absente du tableau : on est ébloui par une nuée de libellules, un kingfisher coloré, un buffle paresseux immergé jusqu’au yeux. Hérons, martins-pêcheurs et autres aigrettes s’envolent et se posent au gré du vent…
Sur le rivage, les habitants vont et viennent, vivent, recueillant de l’eau à l’aide d’une cruche ou battant le linge au bord du canal. Les enfants jouent dans l’eau, les adultes y prennent leur bain. À certains endroits pointent des filets chinois aux énormes bambous, à d’autres c'est le gopura d’un temple hindou, le minaret d’une mosquée ou encore la flèche d’une église. Vers la fin d’après-midi, les cocotiers se reflètent dans les flots et les couleurs se font de plus en plus chatoyantes, fauves, puis s’estompent pour laisser place à la nuit noire.
Le long des rizières ne résonnent plus alors que les cris des criquets et des grenouilles, et la nature s’allume, de ci de là, au fil des bougies et des lampes à huile. Le temps semble comme suspendu.
Découvrir les backwaters d’une autre manière
Naviguer à l’économie
La manière la plus douce et la plus agréable d’explorer les canaux du Kerala reste assez onéreuse, mais il existe heureusement d’autres options pour découvrir ce joli dédale aquatique. Le trajet d’Alleppey à Quilon peut ainsi se faire sur les bateaux-bus de l’office du tourisme d’Allepey. On parcourt le trajet en 8h.
Afin d’être convenablement installé, il convient néanmoins d’arriver à l’avance à l’embarcadère. Depuis Cochin, plusieurs balades de quelques heures sont organisées par des agences, pour un prix également modique. Elles se font en général dans la région de Vaïkom. À bord de barques, on navigue un bon moment sur d’étroits canaux, découvrant faune et flore au passage, puis l’on s’arrête pour visiter un village où les femmes tissent le coir sur de drôles de machines.
Les excursions les plus longues, au cours desquelles on déjeune à bord, se font sur des kettuvalam.
La région de Kottayam est également propice à une découverte au fil de l’eau. Enfin, dans toute cette région, on peut se déplacer en ferry (notamment entre Quilon, Kottayam et Alleppey) et profiter ainsi du paysage pour quelques dizaines de roupies.
Entrer dans la compétition
Dans un pays couvert de canaux, les habitants se mitonnent naturellement des fêtes sur l’eau. Les courses de bateaux sont ici aussi populaires que les corridas en Espagne ! Nombreuses, elles se déroulent pour la plupart en été.
La plus fameuse est, de loin, la Nehru Trophy Boat Race qui a lieu à Allepey le 2e samedi du mois d’août. Une quinzaine de snakeboats, bateaux-serpents d’environ 45 m, propulsés par une centaine de rameurs abrités par des ombrelles aux couleurs vives, s’affrontent sous les encouragements d’une foule immense et déchaînée. L’ambiance est délirante, notamment parce que les spectateurs parient sur les équipages !
La course dure un certain temps, mieux vaut donc prévoir chapeau ou parapluie (car c’est encore la période de la mousson), et aussi de quoi boire et manger. On assiste à l’événement depuis les tribunes (plusieurs catégories de places, à réserver à l’avance). C'est certainement l’un des événements les plus festifs, colorés et animés à voir au Kerala.
Infos pratiques
Quand y aller ?
La meilleure période pour y aller se situe de novembre à mars, mais les courses de bateaux, comme la fameuse Nehru Trophy Boat Race à Alappuzha (Alleppey), ont lieu en été !
Organiser une excursion sur les backwaters
- My Dream Cruise and Tours : à Allepey. Une petite agence spécialisée sur le Kerala et la location de houseboats (autour de Allepey, vers Kollam ou Kottayam). Organise des tours à la journée sur les backwaters, en canoë ou en houseboat, et propose aussi des packages incluant d'autres activités (comme le massage ayurvédique).
- Indo World Tours and Travels : à Cochin. Excursions de 1 jour/2 nuits à 9 jours, possibilité de découvrir la vie et les activités traditionnelles dans les villages, dans un souci de tourisme responsable.
Assister à la Nehru Trophy Boat Race
Compter 50 à 500 Rps, soit 1 à 10 € par personne selon l’emplacement. Les meilleures places se situent dans les tribunes « Rose Corner » et « VIP Pavillon ». On déconseille les tribunes en bambou, envahies par les jeunes qui s’y glissent sans payer dès le départ de la course, et qui risquent de s’écrouler ! Il est préférable d’acquérir ses places 2 ou 3 semaines avant la course.
Où dormir à Alappuzha (Allepey) ?
Dormir sur un kettuvalam ou houseboat est tout à fait typique d'Alappuzha. Les embarcations sont amarrées au Houseboat Terminal, au Nehru Trophy Boat Race Finishing Point.
Pour deux, à la journée, compter minimum 6 000 ₹ sans la clim et 6 500 ₹ avec, sachant qu’il y a plusieurs « classes » de bateau. Le prix comprend une excursion de 21h (seulement 5-6h de navigation en tout) et les repas. En général, départ vers midi, déjeuner, navigation jusque vers 17h, nuit à l’arrêt, puis à nouveau une petite heure de navigation le lendemain matin pour rejoindre le débarcadère vers 9h.
Petite mise en garde : « l’explosion » du nombre de houseboats, désormais équipés de moteurs diesel, a des conséquences néfastes sur l’écosystème (pollution des eaux), sans compter les nuisances sonores dans les villages traversés.
Certains propriétaires de houseboats prennent des mesures de limitation de leurs propres nuisances (utilisation minimum du moteur, vidange des eaux usées contrôlée). C'est le cas de Cherukara Nest, qui loue des ecofriendy houseboats. Possibilités de croisières pour plusieurs jours.
Texte : Laurence Pinsard