Italie : Crémone, capitale mondiale du violon
Lovée sur la rive gauche du Pô, au sud de la Lombardie, Crémone (71 000 hab.) est la capitale mondiale du violon. Le célèbre Stradivari, connu en France sous le nom de Stradivarius, y a vécu. Et, Monteverdi y a été baptisé.
Aujourd’hui, Crémone mise à fond sur cette tradition. En se promenant dans ses rues, on voit et on entend des violons partout. Et on croise des jeunes du monde entier qui s’y forment à l’art de la lutherie.
Cette ville à la beauté baroque, parfois un peu exubérante, mérite aussi d’être découverte pour ses places, ses églises, ses palais, ses musées, ses marchés, sa gastronomie. Et sa gentillesse. Tutti a Cremona !
Préparez votre voyage avec nos partenairesDécouvrir l’histoire de la lutherie à Crémone
Depuis le XVIe siècle, l’histoire de Crémone se confond avec celle de la lutherie. Maître luthier d’exception, Andrea Amati y a alors codifié la fabrication du violon. Encore plus doué, son petit-fils, Niccolò, aura pour élèves d’illustres luthiers comme Andrea Guarneri et plus tard, Antonio Stradivari.
Grâce à son talent, sa longévité exceptionnelle (il est mort à 93 ans) et sa collaboration avec de grands violonistes, ce dernier, connu en France sous le nom de Stradivarius, a porté le savoir-faire de la lutherie à des niveaux inégalés, créant des violons très expressifs, appréciés dans toutes les cours d’Europe.
En 2012, l'Unesco a inscrit au patrimoine culturel immatériel de l'humanité la lutherie artisanale de Crémone. Il est vrai que, depuis les années 1970, Crémone ne lésine pas pour soutenir l’art des maîtres luthiers et a constitué une collection exceptionnelle de violons fabriqués sur place.
Ils sont conservés au musée du Violon, installé dans un bâtiment en brique des années 1930. Même celui qui ne connaît rien à la lutherie sort de sa visite émerveillé et un brin savant. Après des instruments précurseurs (violetta, ribeca, lira da braccio), sont exposés, dans la « salle des trésors » des violons de grands maîtres dont il Cremonese 1715 de Stradivari.
Tous ces instruments – chacun vaut une petite fortune – sur lesquels veille jalousement le conservateur Fausto Cacciatori, sont joués régulièrement. Dans l’auditorium, récital chaque jour à midi. Tickets (10 €) vendus en ligne : www.vivaticket.com/it.
Outre un institut polytechnique commun avec la ville de Pavie, consacré au son, la ville accueille une école internationale de lutherie et un laboratoire acoustique. Elle organise aussi des festivals de musique classique – le Festival Monterverdi (14-23 juin 2024) pour commencer, le Festival Stradivarius (oct-nov) ensuite – et prévoit une copieuse programmation d’opéra et de concerts au théâtre Ponchielli, sorte de mini-Scala du milieu du XVIIIe siècle tout habillée de rouge.
Rencontrer un maître luthier à Crémone
À Crémone, bien que le quartier historique des luthiers ait été détruit lors des grandes opérations d’urbanisme de l’ère mussolinienne, 152 maîtres luthiers ont encore pignon sur rue.
Parmi eux, Stefano Conia, père et fils, d’origine hongroise, installés au 95, Corso Garibaldi. Le jour de notre passage, pendant que le père, désormais âgé, polissait soigneusement la caisse d‘un violon, son fils se chargeait d’expliquer comment transformer une caisse en érable et en épicéa en violon. Chaque luthier a sa méthode pour choisir les bois qui sonnent bien et ses recettes pour préparer les meilleurs vernis à appliquer en trente couches.
Fabriquer un violon exige pas moins de 220 heures de travail méticuleux. Le fruit de tant de soins et de patience se vend autour de 15 000 €, ce qui n’est pas à la portée de tous les musiciens. Plus rares encore sont ceux qui peuvent jouer sur un violon historique.
Le Suisse et Napolitain Fabrizio von Arx, violoniste virtuose régulièrement invité à se produire avec de grands orchestres européens, a cette chance grâce à un mécène suisse, qui lui a permis de faire l’acquisition hors de prix d’un stradivarius de 1720.
Pendant le Covid, ce musicien de 48 ans a découvert, à Crémone, au 57, corso Garibaldi, la modeste maison où Stradivari a vécu de 1667 à 1680 : elle hébergeait un magasin d’électroménager et seule une plaque signalait le séjour de l’illustre liutaio.
Enthousiaste et visionnaire, Fabrizio von Arx a, depuis, créé une fondation et fait revivre la Casa Stradivari. Après une restauration soignée, elle est devenue un lieu de transmission vivant : dans l’atelier du rez-de-chaussée, quatre jeunes luthiers déjà diplômés fabriquent violons, altos et violoncelles sous la direction de maîtres confirmés. À l’étage, masters class et résidences d’artiste.
À condition de réserver auprès de l’office de tourisme (via internet ou à l’Infopoint à l’angle de la Piazza del Comune), il est possible de visiter un atelier et de regarder le luthier travailler presque comme au XVIe siècle !
Crémone, prospère depuis toujours
Ce n’est pas par hasard si Crémone, située à 40 km de Brescia et de Parme et à 50 km de Mantoue, s’est plus que d’autres passionnée pour la musique, dès la Renaissance. Très tôt, grâce au Pô, la ville pouvait recevoir, par bateau, les bois de premier choix nécessaires à la fabrication des instruments.
À la croisée des grands axes de communication depuis l’Antiquité, Crémone entretenait aussi aisément des liens culturels, économiques et politiques avec toute l’Europe. En outre, elle était l’épicentre d’une plaine agricole fertile, irradiée par le Pô. Elle le reste encore même si, désormais, ce fleuve attire aussi randonneurs, cyclistes et kayakistes.
L’ouverture sur le monde et la prospérité de cette ville fondée en même temps que sa voisine Piacenza, en 218 av. J.-C., viennent donc de loin. En témoignent les vestiges romains exposés au musée archéologique (4, rue San Lorenzo).
Les nombreux éléments (mosaïques, éléments de décoration, statues, bronzes, etc.) de la Domus del Ninfeo trouvés lors de travaux de terrassement disent la richesse et le luxe de son propriétaire qui n’avait pas grand-chose à envier aux belles villas patriciennes de Pompéi.
Si Crémone doit beaucoup au violon, elle a aussi cultivé l’art de la peinture, en témoigne le museo Civico, installé Palazzo Affaitati, 4, via Dati Ugolani. Né des collections du marquis Giuseppe Sigismondo Ala Ponzone, il présente un panorama complet de la peinture crémonaise du XVIe au XIXe siècles. Il expose aussi un sublime Saint François en méditation du Caravage. Et L’Ortolano d’Arcimboldo.
Voir Crémone d’en haut puis... d’en bas !
Pour se faire une idée d’ensemble de cette ville, rien de tel que de grimper en haut du campanile de la cathédrale, le Torrazzo, une tour monumentale en brique de 112,54 m. Évidemment, il faut de bons mollets et ne pas être sujet au vertige pour affronter les 502 marches et les étroits colimaçons de ce « musée vertical ». D’en haut, la vue est splendide sur les Apennins qui se découpent à l’horizon, sur le Pô, majestueux, qui serpente dans sa plaine, et sur les toits rouges de Crémone.
Au pied de la tour, se trouve la Piazza del Comune où l’on s’attardera en redescendant. D’un côté, le Palazzo del Comune tout en arcades et briques. De l’autre, l’étonnant baptistère octogonal rosé, coiffé d’une petite tour lanterne. Juste à côté, la cathédrale !
Ces édifices constituent l’un des ensembles les plus emblématiques de la transition romane-gothique en Italie du Nord. Cela vaut le coup d’admirer longuement tous leurs détails architecturaux, en particulier l’intérieur du baptistère. Et la façade principale du Duomo (cathédrale) : une grande loggia Renaissance y est surmontée de trois niches habillées des statues de la Vierge à l'Enfant et de deux évêques. À la base des colonnes du narthex, deux somptueux lions en marbre de Vérone.
S’émerveiller dans la cathédrale Santa Maria Assunta
Santa Maria Assunta (Notre-Dame de l’Assomption en français), mérite qu’on lui consacre du temps. C’est le monument le plus somptueux de Crémone. Entamée, en style roman, en 1107, elle a par la suite été agrandie et restaurée avec des éléments gothiques, Renaissance et baroques.
À l’intérieur, l’imposant cycle de fresques du transept et des murs latéraux de la nef met en évidence l’évolution stupéfiante de la manière de peindre entre le XIVe et le XVIe siècles. La mise en images de la Passion du Christ par Romanino est une merveille, tout comme, au revers de la face principale, la Crucifixion par Le Pordenone.
Crémone compte aussi de très beaux et nobles palais. Quinze de ces demeures historiques se découvrent en visites guidées. Réserver en ligne : https://shop.targetturismo.com
Toujours dans le centre historique, l’église Sainte-Agathe à l’allure extérieure de temple grec – c’est l’une des plus anciennes de Crémone –, vaut aussi un détour. Le retable baroque derrière le maître-autel est de toute beauté. Les peintures qui racontent le martyre de la jeune Sicilienne à qui furent arrachés les seins, remarquables.
Dans la nef se trouve une copie de l'icône sacrée de sainte Agathe. L’original est conservé au musée diocésain, juste à côté du Duomo. Cette œuvre magnifique, d’un grand raffinement, relègue au second plan les autres œuvres et objets exposés. Les croix de procession en argent sont pourtant somptueuses.
Crémone compte aussi de très beaux et nobles palais. Quinze de ces demeures historiques se découvrent en visites guidées. Réserver en ligne : https://shop.targetturismo.com
La gastronomie délicate de Crémone
Si la Lombardie est moins réputée que d‘autres régions pour sa créativité culinaire, Crémone n’a pas à rougir de sa gastronomie, servie par les bons produits frais vendus jeudi et samedi, sur le marché de la Piazza Cavour.
La charcuterie est délicieuse, tout comme les polpette (beignets de viande frits), la frittata (omelette aux légumes verts) et les raviolis à la courge.
Crémone qui se trouve dans la plaine du Pô, championne du riz rond, excelle bien sûr dans les risotti – à la truffe, à l’asperge, à la chicorée de Vérone... Elle se distingue aussi par sa mostarda – un mélange de fruits confits dans des bains de sucre puis aromatisés avec des graines ou des huiles essentielles de moutarde – qui accompagne bien pot-au-feu, pied de cochon farci (zampone) ou saucisse bouillie (cotechino).
À l’heure du dessert, Crémone s’affirme comme l’une des capitales italiennes du nougat, vendu partout, mais notamment chez Sperlari, via Solferino. Le Torrone Cremonese, mélange parfait de miel, blanc d'œuf et amandes grillées, aurait été servi pour la première fois à Crémone en 1441, lors du mariage entre le condottiere Francesco Sforza et Bianca Maria Visconti, fille illégitime du duc de Milan.
Le Grana Padano, fromage à pâte pressée cuite, IGP depuis 1996, fait aussi la réputation de Crémone. Tout près, à Persico Dosimo, la coopérative Fattoria Cremona stocke au frais 220 000 meules de 40 kilos chacune pendant neuf mois, parfois vingt. Sur place, vente de Grana Padano (14 € le kilo) et de Provolone. Et aussi, courtes visites, avec animations vidéo, pour apprendre – en famille – tout ce qu’il y a à savoir sur ce fromage.
Fiche pratique
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Office de tourisme de Crémone : à l’Infopoint, 5, Piazza del Comune, location de vélos, d’audioguides, vente de billets pour les monuments et de la Wellcome Card (10 €) qui offre des réductions dans musées, restaurants, boutiques.
Office national italien du tourisme
Comment y aller ?
En attendant le rétablissement de la ligne ferroviaire Paris/Milan bloquée par un éboulement depuis août 2023, une partie du trajet doit s’effectuer en bus. Sinon avion Paris Orly-Milan Linate, puis train Milan-Cremona.
Bonnes adresses
– Hôtel-restaurant Del Duomo : 13, Via des Gonfalonieri. Un 3-étoiles aux chambres simples, récemment rénovées et climatisées, avec décor contemporain. 110 € la double, avec petit déj. Au restaurant, excellentes salades, pizzas et plats traditionnels comme les raviolis à la courge. Menu 20 à 40 €.
– Hotel Dellearti : 8, Via Bonomelli. Un 4-étoiles design aux chambres spacieuses. 139 € la double, petit déj. inclus.
– La Lucciola : 16, via del Porto, tout près du Pô. Cuisine italienne savoureuse et branzino (bar) cuit à la perfection. À la carte : 23 € le bar grillé, 14 € le risotto aux asperges.
– L’Hosteria : 700, Piazza Gallina. Plats typiques à la carte. Risotto, 13 €. Saucisses de Crémone aux lentilles,18 €.
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Texte : Paula Boyer
Mise en ligne :